(C H I N - H A E) only fools do what i do, only fools fall

« Lâche-ça ! Suis moi ! » Tu résistes, tu veux pas y aller. Pourquoi à chaque fois que t'essayes de faire quelque chose, à chaque fois, il est là, il interromps. Oui, j'ai compris, je t'appartiens, je n'ai pas besoin d'un rappel journalier. « LAISSE MOI BOSSER M. » Tu lui cris jamais dessus normalement, jamais. T'as pas le droit. Tu devrais pas. Il te fait pas peur, mais il est ton supérieur, il a ce pouvoir, sur toi, et t'y peux rien. Il te lâche et te regarde. Et ses yeux, ses yeux te font peur. Et les gens aux alentours... Il n'y en a pas. T'es seul. Il s'avance vers toi, et tu te recules. Parce qu'il te fait peur. Le mur derrière toi. Plus aucune façon de t'enfuir. Non. Non. Arrête. S'il te plaît M. « Lâche-le. » Sa voix. Cette voix. La sienne. M. te tient le poignet, il le lâche pas. Il se retourne. Arrêtez. Il veut mourir cet abruti. A le provoquer comme ça, ton frère. Tu le vois, son regard, à ton frère. Et t'as plus peur de M. T'as peur pour lui. Il s'avance, pas décidé, et tu sais, tu sais, et il le sait aussi M. que quoiqu'il arrive, tu le protégeras. Mais franchement Chin-Hae, t'as que ça à faire ? Et juste quand il arrive trop prêt, assez prêt pour que sa santé soit en danger, à M., alors tu t'interposes. Et ton corps frêle se retrouve entre celui de ton frère et celui de ton persécuteur, avec son sourire vainqueur. « Arrête Min-Ho. Fais pas ça. Calme toi. Je peux le gérer tout seul. » Et tu vois qu'il se retient. Tu vois qu'il sert les dents, qu'il les grince, tout ça pour pas te blesser toi, son frère. « Min-Ho... » Et tu prends son poignet, à ton frère, dans ta main. Tu sais qu'il te fera payer pour ce contact plus tard, M., mais pour le moment, tu dois les protéger, tous les deux, l'un de l'autre. Merde à la fin ! C'est toi la victime dans cette histoire ! Mais t'es borné, et tu veux les protéger, alors comme un con, tu le vois pas comme ça toi. Et tu sens Min-Ho se relâcher, ne serait-ce que d'un millième, sous ton toucher, et tu peux le ramener à la porte de la tannerie. Et tu le pousses dehors. « Ça ira Min-Ho. Ça ira, je te dis. » Et il part. Mais tu sais. Tu sais que ça fait soixante-treize ans que ça dure, et que ce sera que partie remise. Et qu'un jour, t'as peur. T'as peur qu'un jour, tu sois pas là, et que l'un des deux soit réellement blessé.

« COURS MIN-HO ! COURS ! » Il est derrière toi. Du haut de sa dizaine d'année. Il court, un peu derrière toi. Il peut pas être derrière. Il doit être à ton niveau. Il doit être devant. Tu dois le protéger, à tout pris. De ta vie s'il le faut. Il faut que tu le protèges. Protège-le, ton frère. C'est la seule famille qu'il te reste Chin-Hae. Il court, le gosse, il court. Et tu t'arrêtes, pour qu'il passe devant toi. Et il sprint, et tu le vois pas s'arrêter. Bien. Cours gamin, cours. Il faut que tu continues de courir, quoiqu'il arrive. Et tu te remets à courir aussi, derrière lui. Et vous finissez par arriver assez loin. Assez loin, le chaud vous touche plus. Le brûlant du feu, le bruit des bombes, tout ça, c'est terminé. Assez loin pour être en sécurité. Pour le moment. « MIN-HO ! » Tu le prends dans tes bras, ton petit frère. « Tu vas bien ? Dis moi où t'as mal ! T'es blessé ? » Il pleure pas ton p'tit frère. Quelle force de la nature. Tu pleures assez pour vous deux. Tu le tiens dans tes bras, et tu pleures. La perte des autres, de ta famille, tu les pleures, les membres morts de ta famille. Et tu finis par te relever. Min-Ho s'est endormi. Et tu le prends sur ton  dos, et tu marches. Et tu marches. Et tu marches. Et tu continues, jusqu'à une petite ville, puis jusqu'à un bidonville. Et c'est le début. Que le début. D'une histoire. D'un voyage.