So if i’m losing a piece of me, maybe I don’t want heaven.

Åse ne saura jamais le leur dire.
Ils sont beaux les jumeaux, même à leur façon un peu cassée.
Ils sont ensemble surtout, et elle leur envie ça, elle leur envie le confort de l'autre.
Åse, tremblante et incapable de leur exprimer la haine, la peur, la peine.
Surtout la peine.
La peine dévorante, l'animal tapi au creux des entrailles qui mord à chaque tentative d'apaisement.
Il lui manque.
Dans les questions auxquelles ne répond que le silence.
Dans les bras tendus que personne n'enlace.
Dans les histoires qui ne se racontent plus.
Dans les rires qui s'étouffent de ne pas être partagés.
Il lui manque.
Et il ne manquera à personne d'autre, jamais.
Et elle ne peut pas l'oublier, Åse.
Elle peut pas le rayer comme ça, parce qu'il était devenu monstre.
Il était prince avant.
Chevalier.
Son héros.
On n'enterre pas la douceur avec la douleur.
Elle lui murmure encore des sourires.
Elle l'entend encore parfois, dans les murmures.
Elle devient un peu folle, tellement il lui manque parfois.
Elle a peur que les jumeaux ne comprennent pas.
Il a tout détruit.
C'est vrai.
Elle, Odd, Kayla, et un peu plus que ça.
Mais c'était son Lui, rien qu'à elle.
Parce qu'il lui chantonnait des comptines.
Parce qu'il lui a appris à faire des bulles avec les chewing-gums.
Parce qu'il l'aidait à faire ses devoirs.
Parce que parfois il était en colère, mais qu'il l'embrassait quand même.
Parce que c'était son grand frère.
Alors il lui manque.
Dans chaque atôme.
Dans chaque tasse de café qu'il ne laisse pas trainer.
Dans chaque rue où il ne s'arrête pas pour fumer.
Dans la cuisine vide où il ne lit pas en silence.
Dans chaque rire qu'elle a auquel il ne répond pas.
Elle voudrait bien hurler pour remplacer le vide qu'il a laissé.
Mais elle peut pas, Åse.
Parce qu'il était monstre dans l'obscurité.
Parce que sa tendresse s'est transformée en rage.
Parce qu'il leur a fait tellement, tellement de mal.
Parce qu'il a pris et brisé et re-pris et re-brisé.
On ne peut pas aimer les monstres, les traitres, les lâches, les violents.
Pourtant Åse elle l'aime encore tellement et elle suffoque quand revient la heurter l'image des corps sans vie.
Il lui manque.
Plus que ses parents.
Plus qu'Oslo.
Plus que la liberté.
Parce qu'il saurait tout arranger.

Elle lui en veut tellement.
Tellement qu'elle s'en déchire la peau parfois.
Elle l'exécre de toute son âme.
L'autre.
Celui qui a tout gâché.
Celui qui s'est glissé sous les traits tant aimés.
Celui qui leur a tout pris.
Elle le hait encore plus d'avoir eu l'apparence de son frère.
N'importe qui mais pas son héros.
Elle est perdue, Åse.
Elle cherche des réponses et de l'aide auprès de celui qui blesse.
Elle déteste avoir peur de lui.
Elle déteste qu'elle le déteste.
Elle peut pas leur dire ça non plus.
Qu'elle le tue encore et encore et encore dans sa petite tête.
Qu'elle se sent coupable, sale et responsable.
Qu'elle suffoque de haine pour sa propre chair.
Qu'elle ne supporte pas les traits si semblable que lui présente le miroir.

Mais il lui manque, et ça lui brise tout les os du corps.